G2 – Comment fonctionne notre projet ?

Lorsqu’une équipe projet se pose des questions sur le fonctionnement de son projet, habituellement au démarrage ou lorsque les choses ne se passent pas comme prévu, il est utile de lui proposer une analyse de ses Métarègles projet.    

Cas d’utilisation d’une  analyse métarègles Projet ?

  1. Dans un projet, généralement au démarrage, quand il s’agit d’aider une équipe à s’ajuster sur la manière de travailler ensemble.
  2. Dans un projet qui rencontre un problème lorsqu’il s’agit d’identifier les causes racines.

Bénéfices d’une analyse métarègle projet ?

Nous estimons qu’une grille de lecture peut avoir quatre fonctions : 

  • Sa puissance performatrice : est-ce que cette grille permet de forte prise de conscience qui permettront de passer ensuite à l’action ? 
  • Sa puissance décontaminante : est-ce que la grille aide à prendre de la distance avec le vécu, les émotions en présence.
  • Sa puissance réconciliatrice : est ce que la grille aide à fabriquer une vision collective du ou des problèmes ?
  • Sa puissance explicative : est-ce que cette grille nous aide, chacun individuellement, à analyser un problème de manière efficace ?

Pour l’analyse des métarègles projet : 

  1. La puissance performatrice de l’analyse est bonne : si l’équipe projet peut tenir dans une salle (c’est-à-dire si elle n’est pas trop nombreuse) un atelier d’une ½ journée suffira à trouver des solutions aux problèmes rencontrés.
  2. La puissance décontaminante est bonne : la grille sert très souvent à bien cerner la source des problèmes qui sont souvent vécus comme personnels ou relationnels.
  3. La puissance réconciliatrice est forte : c’est idéal pour aider l’équipe projet à s’accorder. Comme disait le DSI de la première entreprise dans laquelle nous l’avons testée “ça fait du bien de savoir qu’on est au moins alignés sur ce qu’on veut faire”
  4. La puissance explicative reste faible, car elle ne se base pas sur une théorie de la gestion de projet, mais plutôt une théorie de l’action collective.

Références et origines

L’origine de ces métarègles remonte à la fin des années 90 avec les travaux du Club de Montréal. Ce club largement informel réunissait des praticiens de la gestion de projet (Renault, Spie…) et des universitaires… de Montréal d’où le nom du club. Leur grande idée consistait à constater que pour réussir les projets dans la vraie vie il ne fallait pas nécessairement chercher à les organiser selon la doxa du PMI (Project Management Institute, l’institut qui publie la bible de la gestion de projet). Quinze ans avant l’essor de l’Agile ils avaient vu l’impasse du toujours plus de process pour “mettre les projets sous contrôle”. Se basant sur l’analyse de projets spécifiques et réussit comme le percement du tunnel sous la manche, le lancement de la Twingo ou encore l’analyse  de milliers de projet de la base de Spie (entreprise de construction à l’origine du groupe Spie Batignolles) ils arrivèrent au raisonnement suivant :

  1. Ce qui compte pour qu’un projet réussisse ce n’est pas qu’il respecte tel ou tel corpus de règles, c’est que tous les acteurs aient la même compréhension des règles du projet. A contrario quand les règles sont floues pour les acteurs, les projets rencontrent très fréquemment des problèmes de coûts ou de délais, voire pire.
  2. Il faut donc identifier les dimensions du projet sur lesquelles les participants doivent s’accorder, donc identifier les règles pour faire les règles du projet, d’où le nom de métarègles (les règles pour faire les règles).
  3. De leurs analyses et discussions ils identifièrent 5 dimensions, 5 métarègles projet sur lesquelles s’accorder, qui sont décrites dans l’ouvrage Manager l’entreprise par projets de François Jolivet, un des membres du club de montréal. 

Au fur et à mesure de l’expérience (une dizaine d’années, plus d’une centaine de projets) nous avons complété ces 5 dimensions d’une sixième (ils avaient oublié le sens !). Pour aller plus loin voir l’article ici.

Description de la grille

Voici une description des 6 dimensions qui se comprennent généralement assez rapidement.

  1. Objectifs : Les objectifs que l’équipe poursuit à court et à moyen terme. Il ne s’agit pas de la vision, des objectifs longs termes, mais bien des objectifs courts et moyens termes car d’expérience ce sont ceux-là qui souvent créent des malentendus. Pour raffiner la compréhension de cette dimension l’on peut se demander : Sont-ils clairs ? Formalisés ? Partagés par tous ? Rappelés régulièrement ? Pertinents ? Régulièrement revus ?
  2. Responsabilités : La répartition des responsabilités au sein de l’équipe et l’autonomie pour les exercer. En clair c’est l’exercice réel des responsabilités par chacun, à la fois dans la définition et aussi dans la pratique. L’autonomie pour les exercer fonctionne dans les deux sens : souvent les membres d’une équipe se plaignent du manque d’autonomie qu’on leur laisse, mais souvent aussi les patrons se plaignent du manque d’autonomie prise par leurs équipes. Et parfois certaines équipes manquent de cadre, vivent une trop grande autonomie. Pour raffiner la compréhension de cette dimension l’on peut se demander La répartition des responsabilités entre nous est-elle claire, assumée et cohérente ? L’autonomie, la marge de manœuvre dont chacun dispose est-elle ajustée à ses responsabilités ?
  3. Instances : ce sont les différents formats de réunions qui rassemblent tout ou partie de l’équipe. Cela comprend le format (durée), la fréquence, les objectifs et la composition (membres) des réunions. Pour raffiner l’on peut se demander si les instances sont adaptées ? Suivies ? Cohérentes ? Parfois les équipes ont trop d’instances, d’autres fois elles en manquent alors certaines réunions servent à plusieurs choses. Les membres ne savent alors plus sur quel objectif se caler. Parfois les réunions s’éternisent, sont trop longues, d’autres fois, surtout pour des réunions stratégiques, l’on manque de temps.
  4. Méthodes : cette dimension prête souvent à confusion, il s’agit de la manière dont nous abordons un sujet, une question, un problème, une décision. C’est le pur processus au sens de Lehnardt (voir ici). Pour mieux cerner la dimension il est très utile de se demander : Existe-t-il une ou des méthodes pour traiter des différents sujets ? Sont-elles implicites ou explicites ? Sont-elles suivies ? La plupart des équipes que je rencontre appliquent des méthodes de travail implicitement et donc parfois les méthodes utilisées ne sont pas adaptées au sujet. D’autres fois tout le monde n’a pas compris ce que l’on était en train de faire. D’autres fois enfin, le patron propose des méthodes qu’il ne respecte pas lui-même, invalidant ainsi toute discipline.
  5. Climat : Il s’agit du climat relationnel des échanges. Ce climat peut varier d’autant que chaque culture d’entreprise, chaque équipe, chaque personne peut avoir des préférences différentes de climat relationnel. Pour bien évaluer le climat il est fondamental de se poser les questions suivantes : le climat relationnel est-il suffisamment bon pour que les échanges soient productifs ? En particulier, est-il possible de parler vrai lorsqu’il faut aborder un problème ? Ce parler vrai nécessite-t-il un groupe restreint ? Nous insistons sur le parler vrai car il apparaît fondamental dans la performance d’une équipe bien plus que le climat de confiance ou de bienveillance. Une des équipes la plus performante que nous avons connue était relationnellement très dure à vivre, mais tout ce qui était important à la réussite du business se disait.
  6. Livrables : cette dimension est très simple. Il s’agit de ce que les réunions produisent, que ce soit des décisions, des plans d’actions, de l’échange, de l’alignement ou rien. Pour la santé de l’équipe à long terme il faut que les réunions servent à quelque chose. L’on peut donc se poser des questions du type : Nos réunions sont-elles productives ? En termes de décisions ? D’échanges ? Existe-t-il des comptes-rendus ? Sont-ils utilisés ? Lorsque les livrables pêchent très très souvent la cause vient de plus « haut » dans la liste.

Notre utilisation de la grille

Nous utilisons cette grille avec des équipes projets lors de leur constitution ou lors d’un diagnostic du fonctionnement projet lorsqu’un projet rencontre des difficultés. L’avantage est que l’analyse est “méthodologiquement agnostique”, elle fonctionne aussi bien si le projet est organisé en Agile ou de manière séquentielle classique.

Une grille très similaire peut être utilisée pour aider une équipe à analyser son fonctionnement. Si la grille est très similaire, le protocole est différent, plus long et demande beaucoup plus de dialogue du fait des incontournables régulations que l’on croise sur le chemin. Pour plus d’information voir cette grille :”Nous avons un problème de fonctionnement de notre équipe, comment faire ?”.

Protocole

Pré-requis: Pour réaliser ce protocole il faut bien sûr maîtriser le baromètre.

En premier lieu, il est préférable que les personnes aient pu réaliser un baromètre simple (a une seule dimension) pour le Skill building sur la méthode

  1. Rappel de l’intention : nous cherchons à construire un diagnostic collectif de …
  2. Pour bâtir ce diagnostic nous allons utiliser une grille à 6 dimensions. Ces 6 dimensions décrivent les 6 dimensions critiques du succès d’un processus ou d’un projet.
  3. Présentation des dimensions
  4. Présentation des consignes
    1. Nous allons évaluer notre fonctionnement à l’aide du baromètre
    2. Chacun dispose d’un crédit de 4 post-it pour évaluer le fonctionnement du projet
    3. Sur ce crédit chacun doit impérativement choisir une chose qui marche bien (post-it vert ou jaune) et une qui marche mal (orange ou rouge). 
    4. Les deux autres sont totalement libres.
    5. Un seul post-it par dimension
  5. Chacun écrit en silence
  6. Quand tout le monde a terminé, chacun vient coller ses 4 post-it en les lisant/expliquant sans interruption. Seules des questions de compréhension peuvent être posées.
  7. Quand tout le monde s’est exprimé, prend place un moment de “wrap-up” (consolidation collective).
  8. Enfin, un reclassement des post-it est effectué par l’animateur par grandes catégories en fonction de la question posée.

Quelques astuces d’animation

  1. Préparation en silence :
    1. Priorisation : Vous devez sélectionner les 4 dimensions les plus importantes pour vous. Au moins une doit être problématique (éviter le déni) et une positive (éviter l’excès de critique)
    2. Feeling : Pour chaque dimension sélectionnée vous devez choisir une couleur correspondant à votre feeling sur cette dimension selon le code couleur du baromètre. Le feeling ne se discute pas
    3. Analyse : Sur chaque post-it vous écrivez quelques mots qui seront dans le compte-rendu et expliquant votre analyse de la dimension
  2. Restitution disciplinée : Lorsque tout le monde a terminé, chacun son tour vient coller ses post-it en les expliquant sans être interrompu. À la fin seule les questions de compréhension sont possibles. Si un point mérite le débat, une astérisque est mise sur le post-it. Le débat aura lieu lorsque tous auront parlé.
  3. Débat retardé : Après la phase d’écoute, les points astérisques sont discutés. Le groupe, avec l’aide des coachs, répond à la question « qu’est-ce que nous en tirons ? »

La grille en vidéo

Pas de vidéo disponible pour l’instant

Points d’attention et limites 

Dans cette analyse il y a trois difficultés auxquelles faire attention :

  1. Le piège de la précision : lors de la phase 3 du protocole, lorsque l’on explique les 6 dimensions, certains participants se mettent à demander des précisions dans un cycle qui paraît sans fin pour, par exemple “bien définir ce qu’on entend par responsabilité?”. Ce sera d’autant plus le cas que l’animateur aura l’impression de ne pas bien maîtriser ces 6 dimensions. En agissant ainsi, les participants cherchent généralement à résoudre leur problème, et parfois LE problème,sans attendre l’analyse collective. Pour suivre notre exemple, cela pourrait tout à faire être du fait de responsabilité mal définie que le projet rencontre les problèmes. Or chercher à préciser ici les responsabilités s’avère impossible, ce serait faire l’économie de la discussion et donc des solutions plus larges qui vont avec. Donc au bout d’un peu de temps sur les questions, nous conseillons aux animateurs de rappeler l’intention (s’accorder sur nos propres règles, ce qui implique qu’au départ on ait une certaine période de floue) et continuer d’avancer.
  2. Le piège de la grille : vu le flou accepté, cela signifie que deux participants pourront classer  la même réalité dans deux dimensions distinctes. Habituellement nous laissons les gens faire, mais ici cela peut nuire à l’analyse finale, donc dans la phase 7 de wrap-up, l’animateur peut s’autoriser à demander aux participants concernés s’ils acceptent un reclassement de leurs idées. Il faut garder en tête à ce moment-là que cette grille aide les participants à définir leurs propres règles. Donc le fait de savoir si l’affectation des tâches relève de la méthode ou de la répartition des responsabilités ne relève pas de la méthode mais de la décision de l’équipe projet. Quand l’animateur propose ces reclassements, il modélise les ajustements que chacun doit faire pour arriver à s’accorder sur la manière de gérer le projet. Un des ajustements clefs, consiste à ce que chacun puisse lâcher sa propre manière de voir, sa propre représentation de ce qu’est un bon partage des responsabilités pour adopter une représentation collective, ce que sont notre manière de partager les responsabilités.
  3. Le piège de l’analyse : l’analyse finale reste assez complexe à réaliser et souvent il faut que le groupe discute de l’enchaînement des causes qui mène au problème avant de s’accorder sur le diagnostic, c’est-à-dire selon notre définition, l’ensemble de décisions à prendre pour résoudre le problème. Souvent l’animateur doit alors endosser l’analyse des enchaînements des causes car cela permet aux participants de faire le lien entre toutes les manières de voir les choses. Pour continuer avec notre exemple sur le partage des responsabilités, cela pourrait prendre la forme suivante :”Donc, si on résume : vous avez un problème de partage des responsabilités qui n’est pas clair et qui se traduit par une absence de liste claire à la fois des tâches, des délais et des personnes responsables ce qui nourrit chez untel le sentiment de flou et chez le chef de projet l’impression de tout porter car s’il ne s’en occupe pas personne ne prend le relai. Vous dites ainsi que ce qui pourrait vous aider à résoudre ce problème serait de conclure chaque réunion de projet par la tenue d’une liste d’actions dans un tableau de plan d’actions à 3 colonnes. Est-ce que cela résume bien votre analyse ?”

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Publié par La Boetie Partners

Game Changing Conversations, voir www.laboetiepartners.com

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