G5 – Mieux comprendre le contexte de chaque membre de l’équipe pour mieux coopérer   

Cas d’utilisation de l’ECR

La grille ECR (Enjeux, Contraintes, Ressources) est utilisée avec une équipe naturelle qui a besoin de développer ou renforcer le niveau de coopération entre ses membres. 

La demande émanant du dirigeant peut arriver sous les formes suivantes : 

  • “Que faire pour que les gens travaillent plus et mieux ensemble au sein de mon équipe ?”
  • “Comment pourrions-nous diminuer le fonctionnement en silo de notre équipe ?”
  • “J’aimerais qu’on ait plus de cohésion pour mieux travailler ensemble.”

Bénéfices de l’utilisation de cette grille avec une équipe ?

Les bénéfices d’une telle analyse suivant les quatre fonctions d’une grille sont les suivantes : 

  • Sa puissance performatrice (est-ce que cette grille permet de forte prise de conscience qui permettront de passer ensuite à l’action ?) est très forte. Elle permet de mieux comprendre ce que font ses collègues et d’entrevoir ce qui pourrait être modifié pour mieux coopérer.
  • Sa puissance décontaminante  (est-ce que la grille aide à prendre de la distance avec le vécu, les émotions en présence) est forte. En générant du recul, elle permet aux membres de l’équipe de mettre des mots sur ce qui se passe dans l’équipe et ainsi de décontaminer les relations de travail.
  • Sa puissance réconciliatrice (est-ce que la grille aide à fabriquer une vision collective du ou des problèmes ?) est moyenne. L’approche peut aller jusqu’à ce que des gens qui n’arrivent pas à coopérer se “réconcilient” mais ce n’est pas systématique car cela demande de prolonger l’exercice par une approche de formulation collective des enjeux/contraintes/ressources. Cette variante est décrite ci-dessous.
  • Sa puissance explicative (est-ce que cette grille nous aide, chacun individuellement, à analyser un problème de manière efficace ?) est bonne. Elle permet une meilleure compréhension du contexte global de travail de son équipe.

Références et origine

L’E.C.R. vient tout droit de la sociologie des organisations à travers les travaux de Michel Crozier, puis plus récemment ceux d’Yves Morieux dans son ouvrage co-écrit avec Peter Tollmann (Smart Simplicity, 6 règles pour gérer la complexité sans devenir compliqué). François Dupuy (Sociologie du changement & Lost in management) évoque également ce modèle.

Le génie de l’approche consiste à considérer que le comportement des humains au travail s’explique à partir d’un contexte donné et non de la seule personnalité des acteurs.

Description de la grille Enjeux, Contraintes, Ressources

Nous présentons la grille ECR sous la forme d’un triangle auquel s’ajoute une case “résultante” sur le côté. 

  • En haut du triangle prennent place les Enjeux, il s’agit de ce que l’acteur cherche à réaliser. Pourquoi en haut ? Parce qu’ils sont comme un graal que tout acteur de l’organisation cherche à obtenir de façon plus ou moins consciente.   
  • En bas à gauche se placent les Contraintes. Il s’agit de ce que doit affronter l’acteur pour atteindre ses enjeux. Elles sont à gauche car dans la symbolique occidentale, ce qui est à gauche représente le passé, plutôt ce qu’il faut dé-pass(é)er. 
  • En bas à droite, se mettent les Ressources, c’est-à-dire ce que l’acteur peut mobiliser pour résoudre ses problèmes.
  • Enfin à droite, comme une résultante, le comportement qui est la solution que les gens trouvent pour atteindre leurs objectifs [Enjeux], résoudre leurs problèmes compte tenu des ressources et des contraintes qu’ils rencontrent dans leurs situations de travail. En ce sens, les comportements sont des stratégies rationnelles. Si les acteurs avaient une meilleure solution, ils auraient agi autrement.
  • Précision importante apportée par François Dupuy dans “Sociologie du changement” : Il en est un exemple classique, souvent utilisé pour expliquer ce méca- nisme aux jeunes étudiants : soit une organisation dans laquelle une règle décide que le travail débute le matin à 8 heures. Poser la question de savoir si pour l’employé X cette règle est une ressource ou une contrainte demeure abstrait tant que n’est pas connu le problème que lui-même ou son chef – pour faire simple – cherchent à résoudre. Si, le lundi matin X souhaite n’arriver qu’à 11 heures parce qu’il a à gérer quelque problème personnel, alors la règle précisant qu’il doit commencer à 8 heures est une contrainte. Elle va l’obliger à en passer par le bon vouloir de son chef qui va le négocier. Mais si le mardi, ce même chef demande à X d’être présent le mercredi dès 6 heures pour faire face à une urgence imprévue, alors cette même règle devient une ressource [car elle permet à X de s’opposer à la demande de son chef]. 
  • Autre exemple : une embauche d’un jeune talent peut être considéré par les RH comme une ressource pour un manager qui est surchargé. A l’inverse, le manager peut le vivre comme une contrainte : il va falloir prendre du temps pour le former et l’accompagner. “C’est bien mais dans l’immédiat cela me rajoute du travail !”

Exemple 1 : Prenons l’exemple d’un employé de banque qui est au guichet et qui reçoit des clients tous les jours. Il a pour mission de planifier les rendez-vous clients avec les chargés de clientèle. Il a donc accès à l’agenda partagé de l’agence. Dernièrement, son manager est mécontent  car il prend trop de temps pour planifier les rendez-vous, les clients s’en sont plaint.
Faisons une analyse de type ECR. L’enjeu du guichetier est probablement
* de satisfaire les demandes clients et de répondre le plus vite possible pour ne pas générer l’impatience et le mécontentement du client. Ses contraintes pourraient être qu’il lui ait demandé en même temps de faire des opérations de caisse qui demandent de ne pas être dérangé pour éviter les erreurs. Une autre contrainte pourrait être que les chargés de clientèle bloquent au dernier moment des plages horaires dans leurs agendas pour des réunions (urgences ou autres). Ses ressources pourraient être au-delà de son expérience et de ses compétences personnelles, de s’appuyer sur un collègue quand la file d’attente s’allonge au guichet. Son comportement s’expliquerait donc ainsi : il privilégie le contact client direct aux opérations de caisse et surtout il essaie d’éviter les plages où régulièrement des réunions s’ajoutent au dernier moment. Il prend donc une marge de planification pour sécuriser les rendez-vous et minimiser les retards.

* Pourquoi cette précaution ? Car il n’y a ni enjeu, ni contrainte, ni ressources absolues ou arbitraires. Il s’agit de la perception de ses ECR par l’acteur lui-même que nous cherchons à recueillir.

Exemple 2 : le dilemme de la shampouineuse rapporté par Fr. Dupuy (op. cit. p119 s.)

Notre utilisation de la grille

Étape 1 : Introduction (15’)

Dans un premier temps l’animateur :

  • Rappelle l’intention de l’exercice : “mieux comprendre la situation des autres pour mieux coopérer”
  • Explique la grille (voir ci-dessus) en prenant soin de bien définir les termes car les participants vont devoir y répondre
  • Rappelle la logique de l’exercice qui pose comme hypothèse que les comportements sont des réponses rationnelles à une situation vécue
  • Donne une illustration de comment remplir la grille en reprenant par exemple celle du caissier décrite ci-dessus

Etape 2 : Préparation (25’)

Il s’agit que chaque membre de l’équipe identifie ses Enjeux, ses Ressources et ses Contraintes. C’est un exercice de décentrement qui demande un peu de temps et de concentration. 

  • Expliquer aux participants qu’ils vont remplir la grille en plusieurs étapes : une première étape de réflexion (journaling) et une seconde étape de formalisation
  • Vérifier que chaque participant a de quoi écrire
  • Poser posément les questions de journaling en demandant aux gens de décrire les éléments suivants (pour une description du de la recette du journaling voir le site de notre practice Design de Séminaire):
  • Distribuer aux participants une grille vierge et leur demander de décrire leurs contraintes, leurs ressources et leurs enjeux sur des post-its de couleurs. 
  • Post-it bleu (couleur neutre) : les enjeux
  • Post-it rouge (couleur problème) : les contraintes 
  • Post-it Vert (couleur ressource) : les ressources.
  • Une fois que chacun a terminé, inviter les participants à remplir la phrase à trou de la structure suivante : “Pour atteindre [mes enjeux] en évitant de [mes contraintes] je m’appuie sur [mes ressources] ce qui explique que [j’ai tel comportement] au sein du collectif “.
  • L’exercice est difficile et ne les forcer à respecter scrupuleusement la structure de la phrase à trou
  • Ecrire sur un post-it Blanc ou Bleu = couleur neutre.
  • La formulation pourra être revue ultérieurement

Étape 3 : Échanges deux à deux 

L’idée est de favoriser les échanges en binôme et de présenter sa grille ECR aux autres membres de l’équipe. 

  • Organiser une prise de rendez-vous entre les membres de l’équipe deux à deux où A rencontre B / C rencontre D / E rencontre F etc. selon le schéma ci-dessous.
  • Lors de la rencontre de 20 minutes (B) essaie de deviner les ECR de (A). Puis rapidement (A) présente ce qu’il a écrit et (A) et (B) échangent sur ce qu’ils découvrent. Ensuite on inverse, (A) essaie à son tour de deviner l’ECR de (B).
  • Quand les deux ont présenté, ils discutent pendant les 5 minutes restantes sur leurs découvertes.
  • Quand cet échange bilatéral est fini, les binômes changent et l’on peut renouveler l’exercice “x” fois selon le temps dont on dispose. Ce n’est pas toujours possible que chacun voit chacun et dans ce cas les participants sont invités à poursuivre plus tard s’ils le souhaitent. 

Étape 4 : Synthèse en collectif (20’)

Un temps de débrief global (airtime) est nécessaire en conclusion afin d’ancrer ce qui a été conscientisé à travers les différentes rencontres. 

  • L’animateur invite chacun à s’exprimer sur ce qu’il a découvert durant ces rencontres deux -à-deux. Au besoin il rappelle des réflexions entendues 
  • L’animateur prend en note les “insights” d’une manière visible par tous. 
  • Vers la fin du temps imparti, il pose la question suivante : 
    • “Y a-t-il quelque chose à en conclure pour l’équipe en termes de coopération ?”
  • Il note alors bien distinctement les décisions ou les actions possibles que l’équipe peut prendre pour améliorer la coopération.

Astuces d’animation

  • Quand l’équipe est trop importante, on ne peut pas échanger avec tout le monde (en fonction du temps imparti). La préconisation est de faire 5 ou 6 rotations maximum. Puis de proposer aux personnes qui le souhaitent de poursuivre l’exercice plus tard (en soirée / un autre jour). 
  • Lors de l’échange (airtime) il sera alors possible d’y passer plus de temps afin que chacun parle rapidement des ECR qu’il a découvert et qui l’ont marqué (en quoi, pourquoi, etc.)

La grille en vidéo

Points d’attention et limites

  • L’ECR demande du temps dans la phase préparation individuelle, ne négligez pas ce moment. Il représente aussi un investissement énergétique important. 
  • Les enjeux sont parfois difficiles à attraper pour les participants. Bien insister sur la définition est clé, même si le journaling précis y aidera.
  • L’ECR se complète très bien avec un sociogramme qui est plus tourné vers les partenaires extérieurs à l’équipe. 
  • Ne pas confondre l’analyse faite avec le réel, la carte avec le territoire, ce qui invite à rester humble et prudent dans ce qui est énoncé.
  • Dans la formulation des ECR, inviter à ce que le post-it soit autoporteur (concret avec un exemple si possible)

 Aller plus loin

Ici bientôt des liens et des vidéos pour aller plus loin

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Publié par La Boetie Partners

Game Changing Conversations, voir www.laboetiepartners.com

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